dimanche 18 mars 2018

Les petites victoires : savoir fermer sa gueule (1ère partie)

par Guillaume

Raconter ses mémoires d'ancien combattant commence à faire vieux con mais c'est aussi comme ça qu'on apprend. Ainsi deux souvenirs qui me reviennent me conduisent à la même conclusion : il n'est pas toujours nécessaire de défendre ses convictions politiques. Des fois ça sert à rien.

Le premier souvenir remonte à 2001. Je suis à l'époque surveillant dans un lycée professionnel. Nous sommes alors le mercredi après-midi, le lycée est désert, les élèves étant partis en centre-ville se biturer la tête. Nous sommes deux pions poireautant à la vie scolaire, attentant comme chaque semaine le rush de 17h30, lorsqu'il faudra gérer les gamins malades, énervés, excités ... J'ai depuis oublié le prénom de mon collègue, appelons-le Stanislas, car c'est un prénom de droite comme chacun sait. Stanislas prépare une maîtrise en droit des entreprises, il joue pilier dans l'équipe de rugby de l'université et est faluchard (les étudiants comprendront). C'est un mec cool.

Pour ma part je n'ai jamais eu besoin de mettre en avant mes engagements politiques sur mes lieux de travail, ils m'ont toujours suivi voir précédé. C'est d'ailleurs parfois assez mystérieux : le copain d'un pote qui me connaît ? ma tête sur une affiche ? mon nom dans un article de presse ? Toujours est-il que ce jour-là Stanislas se fait chier et décide de me brancher :

« - l'autre jour y a un prof qui nous expliquait qu'il n'y a pas plus d'éléments d'économie chez Marx que dans le Coran, et c'est vrai parce que quand tu regardes bien blablabla...blablabla... »

Quel intérêt à engager une joute oratoire ? Stan est sûr d'avoir raison sur tout. Il énonce ses idées pré-conçues avec l'aplomb du gars qui ne doute jamais. Il n'a absolument pas envie de débattre, il veut me montrer que j'ai tort. De plus, il peut très bien me coincer, moi l'étudiant en deuxième année de Lettres, sur des concepts économiques qu'il maîtrise mieux que moi. Enfin, il n'y a aucun témoin qui pourrait être à convaincre. Stan est un ultra-libéral qui profite d'un emploi aidé de la fonction publique pour financer son mémoire expliquant que le privé c'est mieux. Un grand classique.

J'hoche la tête poliment et je me contente de rectifier les erreurs historiques qu'il ânone parfois :« - Non, Castro n'était pas médecin, il était docteur en droit, tu confonds avec le Che... ». Stanislas finit par bifurquer sur une critique du keynésianisme qui me laisse complètement indifférent :  « Tu sais que Keynes, à la fin de sa vie, s'est retiré en Inde et a totalement déconstruit ses propres théories ? ».

Je ne lui laisse aucune prise. Ses attaques ne rencontrent que du vide. Il finit par s'épuiser. Je souris intérieurement. Finalement l'esquive a été la défense la plus adaptée face à ce sympathique gros con.

« - et sinon... tu la trouves comment la p'tite stagiaire prof d'anglais ? »

Ah ! Voilà un sujet qui va nous rapprocher !

à suivre...


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