Il est temps de dévoiler un nouveau secret. Il s'agit d'un complot national jusqu'alors bien gardé. Mais après une longue enquête, déguisés tour à tour en producteurs de disques, en groupies, ou en tabourets de bar, après l'audition de centaines de témoins dont la mère à Titi, Gérard Lambert ou Germaine, nous sommes en mesure d'affirmer, avec des kilo de dossiers de preuves à l'appui, que le chanteur Renaud, notre chanteur Renaud, nous a quitté aux environs de 1995.
Depuis c'est un piètre sosie qui le remplace. Et celui-ci, en plus de chanter comme une casserole, fait n'importe quoi. Déjà en 2005, cet individu avait soutenu le Oui au référendum sur la constitution européenne, cette blague. Notre Renaud à nous n'aurait jamais fait ça. Imaginez comment il aurait volé dans les plumes de ces tristes technocrates. La preuve :''Société tu m'auras pas'' qu'il chantait. Et pensez-vous que le chanteur de ''500 connards sur la ligne de départ'' aurait offert un 4x4 à sa compagne ? Bien sûr que non.
Le vrai Renaud n'est pas mort, bien entendu, mais il serait sur une île près de la Jamaïque avec Elvis et Bob.
Alors certains lecteurs grincheux diront : ''oui mais Renaud même avant 1995 ça jamais été çà. Il a soutenu Mitterrand j'te ferai dire et après Les Verts, bonjour le social-traître''. Nous leur répondrons d'abord d'aller se faire enculer avec de la litière usagée pour chat afin de choper la toxoplasmose, ça les rendra moins tristes. Ensuite nous allons développer le vrai objectif de cet article.
On sait pas vous, mais nous quand on fait connaissance avec quelqu'un ou quelqu'une qui a des album de Renaud chez lui, on se sent déjà un début de connivence. Avoir été bercé durant son adolescence par ''Déserteur'' ,''Mon Beauf'', ''Camarade Bourgeois'' ou ''Hexagone'' vous ouvre la perspective, pas toujours mais souvent, d'un début de culture contestataire (il n'y a pas de quoi non plus devenir un bolchévique, mais en même temps, nous, les bolcho on en a soupé, on en dit pas plus car c'est tout un art de savoir refermer une parenthèse à temps).
Écouter Renaud au collège ou au lycée, quand ses autres camarades de classe écoutent les soupes des radios privées, c'est déjà marquer des points dans le tableau du p'tit contestataire. Pour les moins de trente ans c'est aussi le signe d'une curiosité certaine, celle qui les a poussé à aller fouiller dans la discothèque de leurs parents ou de leurs grands frères et sœurs, et sans préjugés générationnels.
Ainsi les gens qui sont passés par ces démarches se reconnaissent, pour ainsi en revenir à l'idée de connivence. Les chansons de Renaud, comme d'autres, servent ainsi de balises culturelles. Et qu'importe la personne qui chante ces chansons, l'important c'est le personnage qu'il présente et celui que chacun perçoit. En terme de psychologie analytique, Carl Jung appelle ça la persona, du nom du masque de théâtre en Grèce. Replacez le dans un diner, vous aurez trop la classe.
Ce qui marche avec des chanteurs engagés, marche aussi avec des écrivains, des journalistes ou des politiques. Qu'importe le connard qui se cache derrière la persona, c'est le message et l'utilisation que l'on en fait qui compte.
Des exemples de persona, on est tombé sur deux gratinés. En ce moment, à la fin des meeting du Front de Gauche, y a Méluche qui lit des textes de Victor Hugo. Alors on aime ou on aime pas la grande gueule crypto-quelque-chose du Front de Gauche, mais ça fait son petit effet quand même. Quand à Victor Hugo, vous prendrez soin de lire l'excellent petit bouquin de Paul Laffargue La légende de Victor Hugo, puis si vous ne l'avez pas encore fait vous lirez Les Misérables. Parce que, ça aussi c'est une balise de gauche et que ça fait jamais de mal.
Nous, on l'a lu, c'est pour ça que l'on va se réécouter quelques albums de Renaud.