De très nombreuses réactions que
nous voyons passer sur les réseaux sociaux depuis dimanche soir
suite au score élevé du FN nous surprennent car elles sont pleines
d'aigreurs et de mépris : ''les français sont des gros cons... ce
pays est raciste...50% pigeon 50% mouton 100% français...pays de
merde...les français n'ont rien compris...'' On y passe tous sans
distinction. D'où est-ce qu'on essaie de raisonner les gens en les
méprisant et en amalgamant tous les électeurs ? Ces attitudes nous
permettent de mettre à jour une autre catégorie de militants de
gauche :
Il y a le curé rouge, que nous tançons
régulièrement dans les articles géniaux de ce blog incomparable ;
et il y a l'aristocrate de gauche. Cet individu, comme le curé
rouge, a certes de beaux et généreux idéaux mais la façon qu'il a
de les défendre, pleine de morgue et de mépris pour ceux qui ne
pensent pas comme lui à la virgule près, le rend profondément
antipathique.
L'aristocrate de gauche a découpé le
monde de façon bien tranchée. Il y a lui et les ''autres''. Du FN
au Modem ce sont des fachos, du PS au Front de Gauche ce sont des
sociaux-traitres et à sa gauche ce sont des sectaires.
L'aristocrate de gauche aime faire la
démonstration de son savoir, suive qui peut. Ses arguments sont
forcément les meilleurs même s'il n'a pas pris la peine de les
expliquer ou de les expliquer de façon compréhensible. Donc les
''autres'' n'ont rien compris donc ils sont cons.
L'aristocrate de gauche refuse en effet
de se mettre au niveau du peuple, c'est trop bas pour lui. Il consent
seulement parfois à jeter quelques conseils hautains du genre :
''révisez votre marxisme'', ''arrêtez de regarder TF1'', ''c'est
sûr que c'est pas dans L'Équipe que tu liras ça …''
Si trop de monde venait malgré tout à
rejoindre l'aristocrate de gauche, celui-ci se sentirait un peu
dépossédé de son pré-carré. Il examinera donc avec la plus
grande attention la moindre déviance des nouveaux candidats. Ce qui
lui permettra souvent ''hélas'' d'être au regret de ne pas pouvoir
les accepter parmi les siens .
L'aristocrate de gauche est
désintéressé et incorruptible. Il est détaché des soucis
matériels. Il considère donc que tous peuvent en faire autant.
Qu'est-ce que deux ou trois réformettes sociales-démocrates en
effet ? Que représente une vulgaire petite augmentation du SMIC
alors qu'à force de sacrifices et d'abnégations, dans un futur
indéterminé, on pourrait abolir le salariat ?
L'aristocrate de gauche peut se
transformer en chevalier sans peur et sans reproche car lui seul
pratique ''l'antifascisme radical'', à savoir faire la bagarre avec
les fachos. Une fois qu'il aura cassé quelques dents
d'extrême-droite, le chevalier rouge n'acceptera aucune leçon
d'antifascisme.
L'aristocrate de gauche reste au chaud
avec les gens cultivés de son rang. Ensemble ils échangerons des
références d'auteurs inconnus des masses (parce que le peuple est
con on vous le rappelle). Cette dichotomie nous/eux le réconforte :
il est pas comme les autres, lui il sait.
Finalement l'aristocrate de gauche
s'est accommodé de ce monde qui lui donne à ses yeux une position
valorisante. Alors pourquoi le changer trop vite ? Le curé rouge et
l'aristocrate de gauche (qui sont parfois – et même souvent – la
même personne) sont donc des conservateurs. Ils font partie de la
même famille, celle des réacs de gauche.