vendredi 13 janvier 2012

Peut-on faire de l'humour avec la cause basque ? Partie 2

suite du précédent article

Les Démos vont enfin ''libérer'' des Marianne des mairies basques, sur le modèle des actions du Front de libération des nains de jardin (FLNJ). L'une des Marianne est photographiée à la plage et ''interviewée'' par les Démos, à qui elle dit son bonheur de pouvoir enfin mener sa vie comme elle l'entend. Quelques temps plus tard, une autre Marianne, se présente comme ''agent de décoration'' à la mairie d'Ustaritz (où elle a été dérobée) bien que '' son contrat stipule qu'elle est le symbole de la République''. Elle annonce sa candidature à la présidence de la République à l'occasion d'une conférence de presse clandestine sur les remparts de Bayonne. Une trentaine de Démos en combinaisons blanches et jaunes, et masqués, lui donnent la parole pour qu'elle explique les raisons de sa candidature. Mais la présence de Le Pen au second tour modifie un peu la stratégie des Démos, qui mettent en scène le retrait de la candidature de leur Marianne ''pour faire barrage à l'extrême-droite''.
En 2007, 700 personnes avaient participé à l'une des centaines d'actions initiées par les Démos. La justice française ne goûte pas l'humour potache des jeunes basques et reste raide comme un piquet sur son code pénal. 97 militants seront inculpés dans 16 procès. Les Démos sont contraints de collecter de l'argent pour payer leurs frais de justice. Ils lancent alors une campagne de communication en se rebaptisant ''Démo SA'', société aventurière au capital de – 3132 euros. C'est l'opération ''première augmentation de capital'', dans laquelle ils appellent à «investir une partie de notre épargne pour le renforcement de la croissance démocratique de notre pays : en effet plusieurs juges réalisent des emprunts à Démo SA par saisies sur salaires, emprunts qui seront remboursés dès que le département basque sera crée, la langue basque officialisée et les prisonniers rapprochés...». Et de préciser qu'en devenant  actionnaires de Démo SA, «vous permettez la création d'emplois : avocats, journalistes, imprimeurs, vendeurs de farces et attrapes...».

Les Démos se sabordent en 2010. Le recours à l'humour aura donc été autant un souci pédagogique que la volonté de protéger les militants de la répression facilitée par la confusion entretenue entre militantisme basque et terrorisme. L'humour irrésistible de certaines actions démos confère au mouvement une image positive et bien distincte de celle des partisans de la lutte armée. La brutalité policière ne les épargnera cependant pas complètement, mais renforcera justement leur image de mouvement non violent dans l'opinion publique locale.

L'humour dans l'action est un outil pédagogique. Il favorise la mémorisation de l'information reçue,  nombre de pédagogues vous le diront.  Dans l'action directe, le recours à des analogies ou des métaphores comiques permet de faire passer un message politique en le rendant accessible au plus grand nombre. L'humour permet la simplification du message en même temps qu'il le rend plus attrayant pour le public, ce qu'ont compris depuis longtemps les publicitaires. En accentuant les contrastes et les oppositions, l'humour met en évidence l'absurdité, la malhonnête ou la vilenie de l'adversaire. Lorsqu'il passe par la provocation, il oblige à choisir son camp, et donc à penser, à discuter et à se positionner. Il contribue encore à briser les silences, ces non-dits et ces tabous problématiques qui favorisent le maintien de l'oppression, en interdisant la pensée et l'échange.

L'humour ruine en peu de mots, de gestes ou de symboles, les stratégies de communication manipulatrices et coûteuses des détenteurs du pouvoir. Les spectateurs riant avec les activistes en action valident implicitement la justesse de leur combat...et l'adversaire le comprend instantanément. Pour ces raisons le rire attire sur l'activiste la sympathie et la bienveillance de l'opinion publique, qui seront précieux dans le rapport de forces, tout particulièrement en cas de répression.

Enfin, le combat des Démos, tout comme celui de nombreux autres militants indépendantistes de gauche, basques, catalans ou occitans, a été soutenu par une communication visuelle et graphique très travaillée, esthétique et séduisante. Ces chartes graphiques sont à des années-lumières de ce qui se bricole encore à l'extrême-gauche française. Mais ceci méritera un article complet...




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