dimanche 6 novembre 2011

Peut-on faire de l'humour avec la cause palestinienne ?


Par notre envoyé spécial en Palestine.

Oui. Plus un système est absurde plus l'humour est vivace. Plus une répression est forte contre des individus ou une population, plus l'humour devient un système de soupape indispensable pour résister aux pressions quotidiennes. Les palestiniens, comme d'autres peuples opprimés certainement, utilisent la déconnade soit pour atténuer leur souffrances soit pour résister politiquement - et pacifiquement - à l'agresseur israélien. Petit état des lieux :

L'autodérision : il préférable de rire de soi-même avant qu'un autre ne le fasse à votre place. On choisit un archétype qui nous est proche et il prend pour tout le monde. En France nous avons les belges, les palestiniens ont les hébronites (les habitants de la ville d'Hébron à l'accent long et lent). Exemple : un hébronite est allé apprendre à fabriquer des roquettes aux États-Unis avant de revenir dans sa ville natale avec l'envie de frapper Tel Aviv. Quand cet ingénieur en herbe envoie sa roquette, elle s'effondre 300 mètres plus loin dans une gerbe d'explosion. Il s'exclame alors: «Waou, si c'est comme ça ici, qu'est-ce que ce doit être à Tel Aviv!»

Se moquer des élites et de l'actualité : la série télévisée satirique Watan ala-Watar (''un pays sur la corde raide'') a rassemblée pendant deux ans des milliers de téléspectateurs. Parodiant un journal télévisé d'une dizaine de minutes, Imad Farjin, scénariste et acteur principal, et ses deux comparses passaient à la moulinette les acteurs de la vie politique palestinienne, critiquant ouvertement la corruption, le népotisme et traitant de front des sujets comme les divisions entre palestiniens, les relations avec Israël et le port du voile. «Pour moi, le plus important est de tourner la politique en dérision. Nous sommes sous occupation, le Fatah et le Hamas sont divisés alors qu'ils devraient n'être qu'un. Pour régler nos problèmes, il faut commencer par en rire», explique Imad Farajin. Qu'une telle émission passe sur les ondes palestiniennes était un signe de bonne santé démocratique de la société. Hélas, l'émission a été suspendue en août 2011 suite à des plaintes des syndicats de médecins et de policiers (accusés de corruption par l'émission).

Rire par le cinéma : on peut se souvenir d'Intervention Divine du réalisateur et acteur palestinien Elia Suleiman, prix du jury à Cannes en 2002, et souvent comparé à Jacques Tati ou Buster Keaton. Plus récemment est sorti sur les écrans Le Cochon de Gaza. Si le réalisateur est français, de nombreux acteurs et actrices sont palestiniens et israéliens. Dans les deux films, la situation du proche-orient est traité de façon burlesque pour mieux en dénoncer l'aspect kafkaïen. A chaque fois c'est drôle et ça fonctionne.

Lutter par l'humour contre l'occupation : en Palestine aussi on sait désobéir par le rire ( voir notre billet du 25 octobre 2011). Ainsi Mohammed Faqih est un comédien et imitateur. Il s'est rendu compte que son talent d'humoriste permettait souvent de désamorcer des situations tendues. Il intervient auprès des check-point et il n'est pas rare que les soldats israéliens, se tenant les côtes de rire, le laissent passer lui et ses compagnons malgré l'absence de visas... à condition qu'il promette de revenir par le même chemin.
Dans le village de Bil'in, coupé en deux par le mur d'apartheid, des activistes palestiniens se sont déguisés en Na'vis, les extraterrestres bleus du film de James Cameron Avatar pour montrer que c'étaient bien eux les indigènes résistant à l'impérialisme. On a jamais autant parlé de ce village palestinien que lors de cette action en février 2010.

Toujours auprès de Bil'in (6000 habitants) s'étend une colonie israélienne de 48 000 personnes qui squatte des terres agricoles du village. D'autres facétieux activistes se sont introduit dans la colonie, ont construit une mini-maison durant la nuit et ont donc colonisé la colonie. Comme les terres étaient encore légalement aux palestiniens, ce fut tout un bordel juridique pour les expulser.

L'humour de bourrin : je n'ai pas retrouvé les sources de cette histoire, mais on m'a raconté que des archéologues israéliens faisaient des études sur les ruines d'un temple au sud-Liban. Leur objectif était de prouver que ce temple était hébreu donc que les territoires alentours étaient israéliens (l'archéologie israélienne est très politique). Des résistants arabes ont su ces intentions et ont fait sauter à l'explosif les ruines polémiques clôturant ainsi le débat. Est-ce de l'humour ? C'est bourrin mais moi je trouve ça drôle.

Enfin pour terminer, je vous conseille le documentaire de la française Vanessa Rousselot Blague à part, un voyage en Palestine sorti en 2010. Je n'en connais que des extraits mais il a l'air particulièrement intéressant. Celui ou celle qui peut me dire où me le procurer, légalement ou pas, je l'embrasse sur la partie de son corps de son choix.

Ainsi, les palestiniens, malgré un quotidien difficilement supportable et d'un horizon incertain, n'ont pas perdu le sens de l'humour. Il leur sert d'outil catharsis permettant d'évacuer pendant quelques instants savoureux colère, souffrance et frustration. C'est un moyen de résistance non-violente face aux agressions sionistes. C'est enfin un moyen de communiquer avec le reste du monde. C'est un message qui nous est adressé à nous tous : tant que les palestiniens gardent le sourire moqueur c'est qu'ils gardent confiance dans la vie et dans la lutte.




6 commentaires:

Anonyme a dit…

Allez savoir pourquoi, je suis aller lire "peut on faire l'amour avec la cause palestinienne".

J'ai vu Tintin cette après midi (il est génial au passage) mais je ne vois pas le rapport.

Non, ca doit etre la fatigue. (@_@)

Anonyme a dit…

Allez savoir pourquoi, je suis aller lire "peut on faire l'amour avec la cause palestinienne".

J'ai vu Tintin cette aprčs midi (il est génial au passage) mais je ne vois pas le rapport.

Non, ca doit etre la fatigue. (@_@)

Anonyme a dit…

Bien sûr qu'on peut faire de l'humour avec la cause palestinienne. Avec la cause afghane ou irakienne aussi d'ailleurs.
La seule cause, avec laquelle vaut mieux pas trop rigoler, c'est la cause P2

Anonyme a dit…

Ce qui est marrant c'est que la dernière blague de la vidéo youtube est à l'origine une blague juive que j'ai déjà lu/entendue chez Coluche.

L'auteur a dit…

Sinon, sur le mur d'apartheid, s'adressant aux israeliens, j'ai pu lire :

"si Batman savait ce que vous faites ici, vous auriez de gros problemes
"

j'adore

L'auteur a dit…

J'en ai une autre :

Un Palestinien écrit à son fils emprisonné en Israël pour lui dire qu'il aimerait bien planter des pommes de terre dans son jardin, mais il est tout seul, vieux et trop faible.

“Cher Ahmed, je suis très triste car je ne peux pas planter de pommes de terre dans mon jardin. Je suis sûr que si tu étais ici avec moi, tu aurais pu m’aider à retourner la terre. Je t’aime, ton Père.”

Quelques jours plus tard, le vieil homme reçoit la réponse de son fils : ”Cher Père, s’il te plaît, ne touche surtout pas au jardin ! J’y ai caché des armes. Moi aussi je t’aime, ton fils Ahmed.”

A 4 heures du matin, arrivent chez le vieillard les bulldozers de l'armée sioniste, 4 jeeps, un escadron de soldats, la police des frontières. Ils fouillent tout le jardin, millimètre par millimètre et repartent déçus car ils n’ont rien trouvé.

Le lendemain, le vieil homme reçoit une nouveau lettre de son fils : ”Cher Père, je suis certain que la terre de tout le jardin est désormais retournée et que tu peux planter tes pommes de terre. Je ne pouvais pas faire mieux. Je t’aime, Ahmed.”